Comment se préparer à la réalité du métier ?

Comment se préparer à la réalité du métier ?

Ce article est issu du groupe Facebook Hypnose en réponse à quelqu’un qui disait être passionné par l’hypnose et qui souhaitait en faire son métier. La réponse est assez tranchée, et avait été suivie et reprise par plus d’une centaine de praticiens en activité, je me suis dit qu’il pourrait être intéressant de la reposer ici et la compléter un peu.

La réalité du métier est bien loin de ce qu’on communique dans la plupart des formations, et même les meilleures formations ne seraient pas capables de t’y préparer suffisamment. La question d’origine était tournée à peu près comme suit :

Je souhaiterais effectuer une reconversion pro afin de devenir hypnothérapeute. Je commence la formation en Novembre.
Toutefois, je me pose pas mal de questions sur le sujet.
La plus importante: Comment savoir si nous sommes fait pour ce métier ?
C’est un domaine qui me passionne depuis quelques années, mais je souhaiterais être certains de ne pas choisir la mauvaise voie…

Beaucoup de premières réponses tournaient autour de « si tu es passionné ça ira » et « si tu aimes ce que tu fais ça ira », et après des années d’expérience dans ce domaine et des centaines de praticiens accompagnés, je peux affirmer que ce n’est pas vrai, et cela m’a fait réagir sur la réalité du métier :

Il y a une ÉNORME différence entre une passion et un métier.

Être passionné par l’hypnose, ce n’est pas pareil que de recevoir des gens tous les jours, et pour arriver à recevoir des gens tous les jours, faut passer par pas mal de choses.

C’est un peu comme le golfeur du dimanche qui veut devenir prof, ou le pianiste, ou que sais-je encore…et puis ils se tapent des gammes et des trucs chiants toute la journée en galère pour finir les fins de mois…

Il y a le rêve, et puis la réalité, et trop de centres de formations surfent sur l’espoir des gens de changer de métier et de pouvoir en vivre facilement. Cela fait des années que j’accompagne des praticiens en hypnose, à développer leur expertise de l’humain ou à développer leur activité et en supervision, débutants ou non, et la réalité est tout autre. Je me souviens de mes débuts, et ils ont été loin d’être faciles.

Déjà, tu deviens indépendant, faut te faire connaître, gérer ton entreprise, tes charges, même en auto-entreprise. Faut un site Internet, des cartes de visites, démarcher, et donc savoir communiquer correctement, bien présenter, donner envie et connaître les clés d’un bon positionnement et du développement d’une activité qui tourne, pas juste celle qui permet de gagner un p’tit peu plus que le SMIC et d’être heureux avec parce que le conjoint suit derrière. J’suis un peu dur, mais c’est la réalité.

Une grande majorité des hypnos (coachs et compagnie c’est pareil), peinent à gagner 2000€ par mois au bout de 3 ans, quand ils n’ont pas abandonné avant. Une autre grande partie est retourné dans un job de salarié à la fin de son chômage et des « vacances », après s’être pris la réalité du métier dans la tête. La grande majorité peine à en vivre après 2 ans.

C’est ça la réalité, et pas qu’en hypnose, dans quasiment toutes les branches de la médecine naturelle.

Les enjeux du métier

Et je ne te parle pas des enjeux émotionnels du métier, notamment quand on débute, de l’impact sur les relations affectives (je compte plus le nombre de stagiaires divorcés post-formation), l’impact sur la vie au quotidien quand on reçoit de nombreux de clients par jour.

Tu peux aussi ajouter tout ce que ça soulève d’être indépendant et hypno : le rapport à l’argent, la solitude du thérapeute au quotidien au milieu d’aveugles alors que tu vois tout ce qui se joue et que t’as envie de sauver l’univers, la perte de la sécurité salariale qui arrive bien vite lorsque le chômage se termine pour certains, et bien sûr d’être constamment mis face à ses propres souffrances et le travail que ça demande sur soi.

Je ne te parle pas non plus des difficultés de légitimité que rencontrent beaucoup d’hypnos face à de vrais clients : fini le copinage en formation, les gens sympas qui font semblant pour pas te blesser. Là, t’as des vrais clients avec des problématiques complexes, qui peuvent passer leur temps à te dire « je sais pas », qui te payent, qui ne sont pas là pour te faire plaisir et tu te retrouves à te demander ce que tu fais là, face à ton manque de connaissance avec tes X jours de formation.

Alors comme beaucoup, tu vas chercher à compléter tes formations, aller voir des formations chères qui seront sympas mais qui concrètement t’apporteront rien en cabinet ni dans le développement de ton activité, d’autres très bien, et tu vas te ruiner car on ne t’as pas appris à te former correctement. Des fois au lieu de claquer dans une Nème formation technique pour se rassurer sur sa légitimité (ça marche pas), vaut mieux investir dans un coaching, de la vraie supervision, un beau site, des belles cartes de visites et des trucs qui n’ont rien à voir avec le métier. La légitimité s’acquiert par l’expertise, l’expérience et l’action. Pour avoir de l’expérience, il faut savoir pratiquer, dépasser ses peurs, connaître ses limites et se faire connaître.

Aussi, il faut savoir bosser seul, parce que personne ne viendra te dire que t’as X ou Y à bosser, parce que la plupart des supervisions dans le domaine sont à chier et reviennent à discuter autour d’un café, et on te dira « fais confiance à ton inconscient », mais il te nourrira pas à la fin du mois.

Alors NON, ça ne suffit pas d’être passionné, d’aimer l’hypnose et d’aimer aider les gens.

Faut être prêt à être seul, à se bouger quand t’as pas envie, à te sortir les doigts pour faire des trucs chiants, à lire, à étudier, à tester de nouvelles choses, à prendre du feedback, à investir dans la supervision, à développer ton expertise et tes connaissances, à t’intéresser à la com’, au marketing, à démarcher, à te trouver nul régulièrement, et à avoir une assise financière assez solide pour pas te prendre des murs émotionnels quand t’as pas de clients.

C’est un métier qui nous fait porter une grande responsabilité, il est très facile de faire n’importe quoi et de renforcer le problème chez quelqu’un quand on est mal informé ou mal supervisé, il est très facile de se rassurer en allant sur Facebook ou voir son formateur « bienveillant » qui te dit que c’est bien et que c’est normal et que tu peux continuer comme ça.

C’est facile, mais est-ce utile ? Je ne crois pas.

Je prends pour ma part le parti d’accompagner mes stagiaires à simplifier leur pratique, à arrêter de se prendre la tête sur des détails qui les font se sentir illégitimes, à développer leur style et leur identité de praticien car c’est là que se joue véritablement le changement, ainsi que dans l’expertise et la connaissance de l’humain.

Pourquoi être hypno ?

Si tu es dans ce métier pour faire de l’argent facile, que la remise en question te dérange, que tu ne souhaites pas travailler sur toi, que tu crois que tu sais tout, que tout est simple, je t’invite à cliquer sur la petite croix et à partir, et je te dis au revoir et te souhaite de changer de métier rapidement, l’ego et la pratique pour satisfaire son propre besoin de reconnaissance au détriment de l’autonomie et liberté des clients n’ont à mon sens rien à faire dans ce métier quand on se dit être professionnel.

Mon but n’est pas de satisfaire ni de rassurer ceux qui sous couvert de bienveillance ne pensent qu’à eux et ne cherchent pas à donner le meilleur pour leurs clients. Mon but est de faire des hypnos de ce métier des gens compétents, assurés, qui réussissent, qui ont trouvé leur style et qui se sont libérés de leurs peurs et de leurs apprentissages inutiles.

Bien sûr, ce métier est magnifique, voir des personnes qui changent en face de toi et se libèrent d’années de problématiques, de sentir ces changements, c’est juste magique. Les formations apportent aussi beaucoup à un niveau personnel, et même si trop abandonnent le métier d’hypno au bout de quelques temps, ce qu’ils en ont appris leur servira toute leur vie, dans leur métier, leurs relations et l’éducation de leurs enfants.

C’est un beau métier, et tous ceux qui te diront qu’il est facile et simple ont à mon sens raté quelque chose quelque part, et je t’invite à ne pas les écouter 🙂

La question à te poser est « Pourquoi fais-tu ça ? » et d’être honnête vraiment avec toi, rien ne peut changer sans cette honnêteté brutale vis à vis de soi-même.

Promène toi sur le blog, suis les liens de cet article, tu trouveras sans doute beaucoup de réponses à tes questions, et si ce n’est pas le cas, utilise les commentaires pour poser tes questions et je tacherai d’y répondre.

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25 Commentaires

  1. Comme d’hab, c’est pile poil la réalité du terrain.
    Cet article va aider nombre de stagiaires et de praticiens qui viennent de se lancer.
    Merci pour ce partage d’expert ?

  2. Il y a beaucoup de choses intéressantes dans cet article qui pourront être utiles aux futurs hypnothérapeutes. Ceux qui sont déjà installés et qui galèrent seront également rassurés. Ça incite aussi à être vigilant quant au choix des « spécialisations » post-formation.

  3. Bonjour Laurent
    Je suis d’accord avec ton article, tu décris bien toutes les facettes difficiles qu’un hypno peu rencontrer dans sa vie, il permet des remises en question, de réfléchir, car il est vrai que lorsque l’on sort d’une école, il manque encore beaucoup d’éléments, j’ai plusieurs personnes dans mon entourage qui viennent me dire, « bon j’ai les outils Martine, mais quand le client arrive je me sens démunie ». Oui il est important et nécessaire de savoir pourquoi on fait ce métier, chacun aura sa réponse et elle sera légitime, la mienne n’est pas forcément la tienne, il faut se sentir à sa place comme dans n’importe quel métier et ce, quoique l’on fasse dans la vie. J’ai attendu 4 ans pour en gagner ma vie, et je suis ok, car tout ce que j’ai entrepris dans ma vie, j’ai récolté les fruits entre 4 et 5 ans, « j’ai une très grande patience ». Et puis ce monde est une grande pièce de théâtre, la vie m’a fait jouer plusieurs rôle, à ce jour j’ai trouvé enfin le vrai sens à ma vie, et je guide chaque personne qui vient me voir à trouver un sens à la leur.
    Merci pour tes interventions sur FB, et peut-être j’aurai le plaisir de te découvrir un jour ……. 🙂 Belle réussite et bonheur pour ta belle petite famille, c’est beau !

  4. Tout à fait d’accord. Être hypno c’est être chef d’entreprise seul à bord et tout ce que ça implique. La question « pourquoi faire ça » se pose a la fois au sujet du cœur de métier, Hypnotherapeute, et au sujet de la position, chef d’entreprise /libéral.
    Je trouve qu’un cursus de création d’entreprise devrait être indispensable quand on se lance, même en médecines complètementaires.

  5. Article très intéressant qui m’a fait un bien fou. Tout y est : les réalités du terrain, la solitude du praticien, les doutes sur le pratiques. C’est un métier de passion, passion de l’autre avant tout. Et quand l’engagement et la sincérité sont là alors le succès est réel .

  6. Bonjour, Je ne connaissais pas ce site. Je l’ai découvert sur un post FB. Simplement MERCI! Je pensais être à côté de la plaque de ressentir tout cela!
    Magnfique Journée

  7. Réalité… Merci pour ce texte qui reflète le concret… Souvent je dis que je ne suis pas là pour vendre des citrons… Ce serait plus facile lol… C’est un métier « dur »… Faut pouvoir aussi être armé emotionnellement… Merci pour cette présentation plus que réelle… ?

  8. Bonjour Laurent,
    Il y a peu de temps , je posais une question sur le groupe hypnose ou je demandais si il était normal de galérer au début et j’attendais les retours……Vous m’avez demandé de vous montrer mon site et là , le couperet est tombé. Vous n’avez pas été tendre et je vous en remercie. J’ai suivi votre conseil de contacter Jean- Pierre et je suis son coaching et vais refaire mon site avec sa collaboration. Je reprend tout à la base et y’a du boulot !!! Mais je me sens si bien d’être conseillée , guidée dans ce métier si exigeant. Je voulais vous remercier pour vos poadcasts , vos articles, et votre générosité. Je ne suis qu’au début mais je me régale déjà!!
    bien à vous
    Brigitte Bertrand

    1. C’est beaucoup plus déprimant d’y être confronté directement sans y être préparé. Quand on le sait en fait, ça va mieux 🙂

  9. Bravo pour votre article très juste – j’ai en effet commencé avec plein de rêves avec un passé de salariée plutôt bien payée et au départ si il n’y avait pas eu l’aide de pôle emploi, et beaucoup d’aide marketing, ( site réseau social, etc) alors le bouche à oreilles n’est pas suffisant – en effet des formations complémentaires rassurent mais ne donnent pas vraiment ce que vous attendez… et en formation pendant ce temps on n’a pas de clients – !… on dépense et on gagne peu en conséquence – oui en effet le métier est un métier d’aide et il faudrait être préparé à cela en psychologie et encore bravo encore pour votre article !

  10. Dans un métier qu’il est difficile d’expliquer aux gens, il est bien de rester ancrer dans la réalité pour pouvoir accompagner au mieux les gens qui ont le besoin d’être guider dans leur vie.

    Merci pour ses conseils.

  11. Merci pour cet exposé, ça fait du bien d’entendre clairement les difficultés à rencontrer, choses qui sont très souvent passées sous silence.

  12. Exactement..! Enfin quelqu’un qui relate les faits tel qu’il sont 😉
    Du coup je me sens moins seul… Et je continue de m’armer de patience!

  13. Merci pour votre article qui fait du bien. Je viens de clôturer ma micro-entreprise. Les mots comme légitimité, responsabilité, qui suis-je pour…ont souvent résonné en moi pour aujourd’hui comprendre Que je ne suis pas seule à me dire que ce métier demande tellement de responsabilités. Mais il est juste aussi de dire à quel point il nous fait avancer. L’hypnose est un merveilleux outil pour soi-même avant tout mais accompagner en hypnose est un art qu’il n’est pas facile de manier. Que celui qui ne doute pas se remette en question…quant à celui qui doute trop aussi ! En se posant surtout la vrai question . Suis-je fait pour ce métier ? Mais rassurons-nous, nous pouvons faire du bien aux autres sans leur faire de thérapie, simplement en faisant preuve d’humilité. Alors encore une fois merci Monsieur Bertin pour votre partage.

  14. Bonjour Laurent
    avant tout un grand merci pour la qualité de tes articles. J’ai commencé en me disant, « allez, ou articles » et car fait 3h que je navigue d’articles en podcats… Je réagis à cet article-là car j’ai 2 interrogations :
    1- Aurais-tu des infos sur les causes pour lesquelles personnes n’arrivent à vivre de leur activité ?
    2- Question subsidaire : si on devait modéliser ceux qui y arrivent, que faire pour maximiser les chances de faire partie des 15% qui en vivent correctement au bout de 2 ans.
    Par avance merci de ton retour

  15. Bonjour, je commence à m’intéresser à ce métier. Je suis professeur des écoles, et je suis en manque d’aider des gens qui ont envie d’être aidés. Je suis déjà confrontée à l’échec avec des élèves qui, malgré tous les efforts et les heures investies, ne progressent pas tant leur parcours personnel est lourd. La remise en question est permanente, le sentiment d’incompétence me saute parfois dessus, mais je n’abandonne pas, même si je souhaite me reconvertir. Ce n’est pas l’échec qui me pousse à partir, mais le besoin d’être confrontée à des personnes en demande. Malheureusement, les parents des enfants avec lesquels je travaille sont souvent absents de l’éducation des petits. Mais il y a aussi le système scolaire et l’Etat qui ne jouent pas leur rôle comme il faut. Et j’en ai marre d’être seule à me remettre en question. Je n’ai pas peur des problématiques lourdes des gens (enfin un peu). Ce que je crains c’est de ne pas réussir à les aider. Peur de ne pas supporter que mon travail ne suffise pas. Je n’ai pas de question car je ne suis pas encore assez renseignée sur le métier. J’ai vécu une séance d’hypnose moi-même, et je suis sortie crispée et mal à l’aise. Ma fille a vécu ça avec quelqu’un d’autre et ça n’avait rien à voir, j’ai eu l’impression que la praticienne n’avait presque « rien fait », mais ma fille était contente. De là à dire que ça a marché, je ne sais pas. La problématique n’était pas très lourde. Je vais rechercher des écoles, et je verrai bien ce que l’on me propose… Ah sin à la fin de tout ça j’ai une question: avoir son cabinet à domicile est-ce plus facile financièrement? Merci

    1. Bonjour,

      C’est plus facile financièrement au début, beaucoup commencent comme ça puis progressent vers un cabinet à part, sauf à avoir vraiment un espace dédié qui ne passe pas par la maison.

  16. Merci infiniment pour ce super article. Je me lance en janvier dans une formation pour être hypnotherapeute. Je vais essayer de garder en mémoire « les réalités du métier » et ma réalité…

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