L'amygdale, quand le passé est toujours présent

Amygdale : quand le passé est toujours présent (1)

La plupart des personnes travaillant dans l’accompagnement, ou en tout cas dans l’hypnose ont déjà entendu parler du système limbique et en particulier de l’amygdale. Cette partie du cerveau qui gère l’instinct de survie et la réponse « fight or flight » et qui intervient bien avant la conscience. C’est ce qui fait qu’on s’arrête de marcher et que l’adrénaline monte lorsqu’on aperçoit quelque chose qui ressemble à un serpent sur le bas côté du chemin sur lequel nous sommes en train de nous balader  et qui nous laisse repartir calmement lorsqu’on se rend compte que ce n’était qu’une branche qui a bougé. Cette partie de nous qui nous fait bondir ou nous baisser lorsqu’on perçoit un mouvement sur un côté ou un son très fort. Comment fonctionne-t-elle ? Quel est son rôle ?

Dans son livre When the Past Is Always Present: Emotional Traumatization, Causes, and Cures Ronald A. Ruden explique en partie le fonctionnement de l’amygdale et quelles sont les circonstances qui font que celle-ci encode un trauma, ou comment un trauma peut se déclencher en fonction de résonances traumatiques du passé. Il explique aussi comment casser cette « traumatisation » avec certaines techniques.

Je vais faire ici un bref résumé, certainement imparfait et je vous renvoie vers le lien Wikipedia sur ce sujet, qui explique très bien les différentes parties en jeu et leurs fonctionnements. Ce que nous retrouvons dans les premiers chapitres du livre de Ronald Ruden.

Tout d’abord, deux images, une de l’amygdale dans le cerveau et l’autre des différentes noyaux qui la compose (source Wikimedia) :

Hypnoscient - Amygdale dans le Cerveau
Hypnoscient – Amygdale dans le Cerveau
Hypnoscient - Sous Division de l'Amygdale
Hypnoscient – Sous Division de l’Amygdale
 

De nombreux connexions arrivent et sortent de l’amygdale, que je vous laisserai consulter sur Wikipedia car ce n’est pas l’objet de cet article.

L’Amygdale : le décodeur des stimuli qui pourraient être menaçants pour l’organisme

[box]Je cite Wikipedia :

La partie baso-latérale de l’amygdale est directement connectée avec les structures corticales qui lui envoient des informations visuelles, auditives, somatosensorielles et gustatives provenant de l’environnement. Les noyaux centraux reçoivent les informations olfactives. Ces diverses informations sensorielles sont ensuite transmises, via les connexions internes du complexe amygdalien, à l’amygdale centromediale.Lorsque ces informations sont analysées comme dangereuses pour l’organisme (ou peut-être plus généralement comme pertinentes), elles vont donner lieu à l’activation de voies de sortie en direction de l’hypothalamus et du tronc cérébral. Ces voies sont idéalement appropriées pour générer des réponses du système endocrinien, du système nerveux autonome et des voies somatomotrices associées aux émotions. L’amygdale donne la dimension émotionnelle des expériences sensorielles pertinentes pour l’organisme.[/box]
 
L’amygdale gère les circuits de la peur divisés en deux :
  • La voie rapide : Traitement sensoriel -> Thalamus -> Amygdale -> Réponse
  • La voie lente : Traitement Sensoriel -> Thalamus -> Cortex Cérébral -> Hippocampe / Amygdale -> Réponse

La voie lente passe par le cortex, qui permet une analyse du danger et ainsi une possibilité de calmer la réaction rapide de l’amygdale. Comme je disais au début de l’article, c’est ce qui fait qu’après avoir pris conscience que ce n’est pas un serpent dans le buisson mais une branche, la peur s’estompe, le cœur ralenti et la respiration devient normale. C’est ce processus « lent » qui est entré en action.

La voie rapide anticipe et met en route tous les processus nécessaires à la survie à l’avance. Dans un contexte de survie, il vaut mieux prendre un bâton pour un serpent que l’inverse.

L’amygdale réagit à tous les stimuli sensoriels, et la voie rapide se fait totalement en dehors de la conscience (pour les praticiens en hypnose c’est typiquement la partie qui nous intéresse). L’amygdale réagit aussi sur certains mots, qu’ils soient lu ou entendus, ou sur certaines expressions de visages. Au début les chercheurs pensaient que l’amygdale ne répondait qu’à la peur, mais elle répond en fait à un spectre assez large d’émotions. Les émotions qui l’activent le plus se classent dans cet ordre, du plus fort au plus faible :

peur > dégoût > humour > émotion sexuelle > tristesse > colère

Ce qui est assez intéressant dans un contexte d‘accompagnement en hypnose, travailler sur les peurs apparaît comme une démarche essentielle dans la résonance de l’amygdale. La plupart des praticiens savent que la peur qu’un événement ne se produise alimente la problématique, comme un fumeur qui a peur d’arrêter de peur de grossir. Je sais que dans ma pratique de l’hypnose, j’aime désactiver les peurs ou les rendre moins émotionnelles, et donc dès qu’une peur apparaît, je l’utilise pour la désactiver. Je sais que d’autres les esquivent et préfèrent et se concentrer sur le positif. Pour ma part, je fais les deux.

L’amygdale joue aussi un rôle essentiel dans la mémoire, dans le livre de Ronald Ruden, il explique clairement les hormones qui entrent en jeu ainsi que leur rôle dans la mémorisation. Je n’entre pas dans le détail et vous livre un bref résumé, le lien Wikipedia donne les informations de façon suffisamment précise.

 L’amygdale, la mémoire associée à l’émotion

Je vous livre le schéma des différents types de mémoire (source Wikimedia)

Hypnoscient - Amygdale et mémoire
Hypnoscient – Amygdale et mémoire

Nous savons tous que nous souvenons plus facilement des événements émotionnels que des événements neutre. Pour illustrer cet exemple,  je demande souvent à mes clients ce qu’ils faisaient le 11 Septembre 2001. 99% s’en souviennent alors qu’ils sont incapables de me dire ce qu’ils faisaient 3 jours auparavant à 11h.

L’amygdale renforce l’encodage des souvenirs de par les hormones qu’elle déclenche lors de son activation. Ces hormones favorisent la phase de consolidation des souvenirs. Les souvenirs ne sont pas stockés comme sur un ordinateur, notre cerveau garde quelques traces et complète les trous ici et là. C’est souvent pour cela que si vous racontez un moment passé avec un ami il y a quelques mois, il s’en souviendra sûrement très différemment de vous car son cerveau n’aura pas conservé les mêmes traces que le votre pour rappeler le souvenir.

[box]Je cite Wikipedia :

Les souvenirs dépendant de l’hippocampe ne sont pas stockés d’une manière tout ou rien comme sur un ordinateur. Après avoir été encodée, il existe une période de grande fragilité de la trace mnésique qui pour ne pas disparaître doit être consolidée. La phase d’apprentissage lorsqu’elle s’accompagne d’une charge émotionnelle induit une libération d’adrénaline et de glucocorticoïdes par les glandes surrénales. L’adrénaline active le nerf vague qui par diverses voies entraîne une libération de noradrénaline allant activer des récepteurs noradrénergiques du complexe basolatéral de l’amygdale. Les glucocorticoïdes participent aussi à la potentialisation de ce signal noradrénergique amygdalien22. Il en résulte une activation des projections de l’amygdale sur les structures clé de la mémoire permettant d’expliquer le rôle modulateur de l’amygdale sur les souvenirs émotionnels.[/box]

L’amygdale colle donc les souvenirs.

L’Amygdale : à l’origine des troubles anxieux ?

Pour Joseph LeDoux, les troubles anxieux seraient dus à l’activation pathologique du circuit rapide de l’amygdale. Tout comme le décrit Ronald Ruden dans son livre, d’une autre façon. Le passé est toujours présent, car l’amygdale réactive les émotions comme si c’était le présent, et ces émotions sont une pile de « traumatismes » émotionnels du passé.

Ronald Ruden explique que pour qu’un événement soit encodé comme traumatique, il faut que 4 éléments soient présents :

  1. Un événement produisant de l’émotion
  2. L’événement doit avoir du sens (importance) pour la personne
  3. Le territoire neurochimique du cerveau (décrit ci-dessus), doit être adapté
  4. L’événement doit être perçu comme sans échappatoire

Le point 2. est essentiel, c’est ce qui fait que quelque chose d’apparence simple peut être encodé comme un traumatisme, comme un enfant qui verrait sa mère partir au travail sans lui faire un bisou, ceci pourrait avoir une charge émotionnelle traumatique pour l’amygdale.

Le point 4. est vital est apparaît comme une solution pour « détraumatiser » un événement dans l’amygdale.

Ronald Ruden explique quelles sont les peurs ancrées dans notre système et comment elles influent sur l’encodage d’événements traumatiques, et c’est passionnant.

Ne voulant pas écrire des articles trop longs, je vous détaillerai tout ceci dans le prochain article, le 3ème article sera consacré aux méthodes préconisées par Ronald Ruden pour intervenir dans le fonctionnement de l’amygdale et ainsi désactiver les charges émotionnelles des traumatismes.

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7 Commentaires

  1. Bonjour Laurent et merci pour cet article. Une question me vient, il est dit dans différents ouvrages que le cerveau reptilien ou archaïque est le Siège des émotions de bases tel que la peur, la colère et l’instinct de reproduction il est à l’origine des réflexes d’attaque ou de fuite et que le limbique à une fonction de régulateur de ces réactions de lutte ou de fuite (Dr Catherine Gueguen). Finalement est ce l’amygdale qui est le siège de ces émotions et réactions de survie ou le cerveau archaïque ? Je comprends bien que tout est en interaction et que l’on ne peux pas isoler l’un de l’autre et que la théorie peut être un peu simpliste de Mc Lean peut prêter à ce genre de confusion. Ton avis m’intéresse comme présentes tu la chose au final ?

  2. Bonsoir Steves,

    L’amygdale se situe dans le cerveau limbique et est bien cette partie de nous qui module les réactions importantes liés à notre survie. Le cerveau reptilien assure plus les fonctions de bases, comme le rythme cardiaque, la respiration, la température corporelle, l’équilibre etc. ainsi que le cervelet qui gère nos mouvements.

    De lectures très saines et intéressantes sur ce site :

    http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_05/d_05_cr/d_05_cr_her/d_05_cr_her.html

      1. ELle n’est guère plus valable qu’en tant que « modèle » simple à comprendre et expliquer mais c’est beaucoup plus complexe que ça.

        En revanche sur l’amygdale y’a un paquet d’études et de recherches pertinentes.

  3. Article très intéressant !
    Moi qui cherche à comprendre les imbrications entre amygdale, hormones, endocrinologie et thyroide, antidépresseurs, peur réactivée, syndrome de l’abandon, hypnose, huiles essentielles, acupuncture, cela me donne la sensation que tout est vraiment lié ! Que ce soit au niveau psychique physique ou émotionnel.
    J’essaye d’enclencher le changement avec hypnose, homéopathie, ect… pour dépasser mes peurs que je contrôlais jusque-là avec un fonctionnement de dépendant et des antidépresseurs prescrit aussi en anti-angoisse.

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