Amygdale : interrompre la résonance du passé (4)

Quatrième partie sur l’amygdale et le livre de Ronald Ruden When the Past Is Always Present: Emotional Traumatization, Causes, and Cures . Nous abordons le « Havening » de Ronald Ruden pour régler les traumatismes amygdaliens et j’aborderai les relations avec l’hypnose.

Nous avons vu dans les articles précédents (partie 1, partie 2, partie 3) le fonctionnement de l’amygdale, comment peuvent se créer des traumatismes et ce qui favorise le terrain traumatique. Afin de gérer ces traumatismes, Ronald Ruden parle de « Havening », sa procédure pour interrompre les processus déclenchés par l’amygdale. Comme celle-ci réactive tout au présent, procurer un sentiment de sécurité, une échappatoire permet de réduire voir de faire disparaître l’attache émotionnelle de l’amygdale du souvenir évoqué.

A l’origine de son « Havening », Ronald Ruden cite le Docteur Callahan et son CT-TFT (Callahan Techniques Thought Field Therapy), l’ancêtre de l’EFT développée par Cary Craig.  Je n’entrerai pas dans le détail de ces techniques ici, elles sont assez connues et beaucoup de sites en parlent et vous trouverez énormément de vidéos sur l’EFT sur youtube. Je vous conseille le site de Jean-Michel Gurret www.eftuniverse.com. Il cite aussi l’EMDR (ou le RITMO) comme technique.

Je ne vous cache pas que je ne suis pas un grand fan de la technique de « Havening », mais plus des principes de l’amygdale présents dans ce livre ainsi que des pistes que celui-ci apporte, mais comme je vous ai promis d’en parler, j’en parle ! 🙂

Ce qui intéressant donc, ce n’est pas tant la technique utilisée, puisque toutes fonctionnent à un certain niveau, c’est le principe et l’utilisation de celui-ci.

Le principe

Le principe est le suivant :

  1. Se souvenir et activer l’émotion
  2. Distraire / activer un autre canal sensoriel
  3. « Havening touch », le toucher.

Le premier point sert à réactiver toutes les parties de l’encodage du traumatisme, le second point sert à distraire pour déplacer le composant de la mémoire de travail et le « havening touch » pour feinter le cerveau en lui faisant croire qu’un lieu sécurisé a été trouvé.

La distraction permet de réduire les données envoyées de la mémoire de travail à l’amygdale et ainsi réduire le niveau qui d’habitude désactive le cortex préfrontal et sa capacité à relativiser. La distraction rend donc possible l’étape suivante, le « Havening » qui feinte le cerveau en créant un sentiment de sécurité où une échappatoire est trouvée, en relativisant.

La procédure du Havening

Voici les étapes de cette procédure :

  • Après avoir rappelé le souvenir traumatique, les yeux fermés
  • Obtenir un score SUD (Subjective Unit of Distress), une unité subjective de détresse, sur une échelle de 1 à 10
  • Leur demander de ne plus y penser
  • Tapoter sur les clavicules avec les deux mains et en même temps
  • Faire ouvrir les yeux, regarder en bas à droite, regarder en bas à gauche, faire un cercle à 360° avec les yeux d’un côté puis de l’autre
  • Fermer les yeux et compter doucement (1 chiffre par seconde) de 1 à 20 à haute voix pendant la visualisation suivante
  • « Imaginez un escalier, chaque marche que vous montez vous relaxe de plus en plus et quand vous arrivez en haut, une vue magnifique vous attends »
  • Faites chantonner une petite chanson connue pour activer la partie phonologique de la mémoire de travail
  • Faire ouvrir les yeux
  • Faire suivre votre doigt jusque dans les quatre coins du champ de vision
  • Fermer les yeux, prendre une grande inspiration et faire OMMMMM  en expirant
  • Relâcher les épaules
  • Frotter les épaules du sujet, depuis les épaules jusqu’aux mains
  • Obtenir un nouveau SUD

Pour ceux connaissant déjà l’EFT ou des techniques similaires, rien de bien nouveau ici. La différence notable est que le sujet ne doit plus y penser pendant les phases de distraction et de sécurisation, qui se déroulent simultanément. Une partie que je trouve intéressante est le contact à la fin sur les épaules, essayez vous-mêmes, les sensations sont assez agréables. Ronald Ruden propose d’autres touchés, sur le visage ou sur le front mais dans ses séminaires on le voit utiliser principalement celui des épaules.

Cette technique a déjà été démontrée par Paul McKenna afin de réduire les envies irrésistibles  de façon légèrement différente, et dans une de ses vidéos plus récentes qui n’est plus disponible sur Youtube, il avait rajouté le contact sur les épaules.

https://www.youtube.com/watch?v=HSHOp2CsMa4

Les stratégies pour découvrir la résonnance émotionnelle originale

Ronald Ruden précise que plusieurs émotions peuvent être reliées à un événement traumatique et qu’il est bien de les traiter séparément car il est possible que chaque émotion utilise des chemins différents dans le cerveau. Pour les praticiens en EFT, c’est souvent l’effet escalier qu’on peut constater en séance. La personne est triste, et  lorsque la tristesse est diminuée, la personne ressent de la colère, puis de la honte, puis une autre forme de tristesse, etc. Tous ces escaliers sont « mis à zéro » et la personne se sent libérée d’une façon globale.

Ronald Ruden nous dit ici que si cette technique n’est pas appliquée à l’émotion originelle, il reste possible que des liens au trauma original soient rétablis ultérieurement car le composant émotionnel originel de l’amygdale n’a pas été résolu. Ce qui pourrait expliquer parfois pourquoi certaines personnes se sentent mieux quelques temps et que cela se réactive sans raison particulière.

Ronald Ruden dit que la première tâche est de récolter un historique complet de la personne. A la différence de la psychanalyse, l’objectif ici n’est pas de modifier les perceptions de la personne, simplement de récolter des informations pour découvrir cette résonnance émotionnelle initiale.

Certains praticiens ont pour habitude d’avoir un questionnaire, permettant de prendre l’historique des personnes. C’est une méthode que j’ai testée pendant quelques temps et qui permet d’avoir des informations parfois intéressantes rapidement. Toutefois le temps que cela prend est non négligeable et avec l’habitude, poser les bonnes questions, observer les réactions inconscientes suffit souvent. De plus, j’ai la conviction, au contraire de Ronald Ruden, qu’il n’est pas nécessaire de savoir ni de connaître l’origine. Il suffit de voir quelqu’un comme Stephen Brooks  travailler efficacement, qui ne prends quasiment pas d’historique et ne pose que quelques questions sur la problématique.

Et dans la pratique de l’hypnose ?

Je lis, mais pas seulement. J’aime tester ce que je lis.

Et j’ai déjà testé cette méthode (ainsi que celle de Paul McKenna) mais je trouve que l’EFT est un modèle plus efficace quitte à faire des tapotements. Et l’hypnose, en créant une relation avec l’inconscient, permet de faire un « ménage » des résonnances émotionnelles tellement efficace qu’il me paraît difficile de s’en passer.

Et donc ? Quoi faire ? Si j’avais la réponse qui fonctionne 100% du temps, je ne suis pas sûr que je serai là chez moi, assis sur mon canapé, à taper un article sur mon ordinateur.

Mais au-delà de la technique, dont chacun pourra juger de son efficacité ou non, je trouve que ce livre donne des pistes de travail et des pistes de recherches d’informations, notamment lors des déterminations d’objectifs, pour aller chercher les déclencheurs principaux et centrer la séance sur ceux-ci.

Comme j’aime souvent à le dire, travailler trop directement sur le symptôme revient à poser un pansement sur la blessure que se fait quelqu’un en se tapant la tête contre un mur. J’aime à penser que c’est plus efficace de travailler sur ce qui fait qu’elle se tape la tête contre le mur. Et les notions abordées sur ce qui créé un terrain favorable aux traumatismes permet souvent d’aller à ce niveau, ou de poser des questions plus pertinentes et souvent génératrices d’émotions lors de l’anamnèse ou de la détermination d’objectif.

Voici ce qu’il peut être utile de garder en tête, toujours selon Ronald Ruden, lors d’un échange avec un client :

  • Le sens d’un événement cité. Ne pas présupposer que l’événement est sans importance car il paraît anodin de l’extérieur. Comme souvent, poser la question, dans le doute, permet d’obtenir des informations plus précises, et souvent précieuses.
  • Les terrains favorables (comme la maltraitance, les environnements de guerre, la famine, et tous les événements de stress quotidiens)
  • Un événement associé à un sentiment d’inéluctable ou sans aucune échappatoire
  • Les peurs inconditionnelles citées dans les articles précédents, et plus spécifiquement un sentiment d’abandon ou une colère non digérée
  • Des antécédents de blessures à l’endroit où une douleur somatique se manifeste
  • Des souvenirs d’enfances qui produisent toujours de fortes émotions
  • Des accidents de véhicules
  • Les rêves, l’amygdale pouvant manifester certaines émotions cachées à la conscience pendant les rêves, notamment dans les cas de syndromes stress post-traumatiques
  • Et plus généralement de demander quand le problème a commencé

Pour autant, il n’est pas forcément nécessaire d’aller chercher les origines d’un traumatisme pour qu’il soit réglé, beaucoup de praticiens ont je pense l’occasion de le vérifier dans leur pratique. L’inconscient sait souvent quelle en est l’origine, et le conscient n’a pas forcément besoin de le savoir. Là encore, garder à l’esprit le principe de Havening et le fonctionnement de l’amygdale permet d’aborder certaines suggestions avec une stratégie orientée vers la sécurité au-delà du trauma, ce qui est fait d’ailleurs dans la plupart des procédures de régressions en hypnose. Comment recadrer un événement pour qu’il soit perçu intérieurement d’une autre façon est exactement la même chose que le processus décrit ici.

En résumé, comprendre le fonctionnement de l’amygdale et de ce qui favorise la création de traumatismes peut aider à être plus précis et plus efficace dans l’accompagnement de certaines problématiques. Quand à la technique pour s’en libérer, retenir les principes me paraît être le point intéressant, la technique en soit dépend du style de chacun et des outils que chacun préfère utiliser.

J’ajouterai pour finir que l’EFT ou la technique de Havening ont l’avantage d’être assez simples et de permettre aux clients de repartir avec une technique de gestion émotionnelle, pouvant être utile comme accompagnement entre les séances, et aussi pour rendre certains clients plus actifs dans leur démarche.

Pour terminer, un lien vers la page Vimeo de Ronald Ruden, avec quelques démonstrations, en anglais, mais vous n’avez pas forcément besoin de comprendre ce qui est dit pour voir comment utiliser la technique.

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5 Commentaires

  1. Merci pour cette série fort enrichissante, et j’ai lu la fin d’icelui avec plaisir, qui répond à en partie à mon commentaire sur le précédent ! 😉

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